Chaque année, 17 000 alpinistes lancés à la conquête du mont Blanc, le toit de l'Europe, empruntent le couloir du Goûter. Mais depuis mardi 21 août cette voie est déconseillée en raison des chutes de pierres, de plus en plus fréquentes, liées aux fortes chaleurs de ces derniers jours. Avec la hausse des températures, les blocs retenus par le gel se détachent.
La mise en garde, qui émanait dans un premier temps de la mairie de Saint-Gervais-les-Bains, a été vite relayée par la préfecture de Haute-Savoie : "Compte tenu des conditions climatiques, ce couloir, toujours très exposé à des chutes de pierres, est actuellement très dangereux. Pour des raisons de sécurité, il est fortement recommandé de renoncer ou de différer sa course par cette voie." Un message bien compris par les compagnies de guides de Saint-Gervais-les-Bains et de Chamonix, qui ont reporté les expéditions prévues par ce passage jusqu'à nouvel ordre.
Selon une étude de la Fondation Petzl publiée en juillet et menée en concertation avec la municipalité saint-gervolaine, le couloir du Goûter (3 340 m), parfois baptisé "Couloir de la mort", concentre une grande partie des accidents graves qui se produisent lors de l'ascension du mont Blanc.
Entre 1990 et 2012, la Fondation a recensé 77 morts entre les refuges de Tête-Rousse et du Goûter, dont une grande partie dans le couloir. Or, selon Météo France, les températures à cette altitude ne sont pas redescendues en dessous de zéro degré depuis le 16 août. "En ce moment, les pierres tombent même la nuit à cause des températures très élevées", souligne le maire de Saint-Gervais-les-Bains, Jean-Marc Peillex (divers droite).
Fragilité du toit du glacier
Le problème est ancien. Selon le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), durant l'été 2011 environ un millier de personnes ont été confrontées à une chute de blocs lors de leur traversée du couloir du Goûter. Des recommandations, appelant à la prudence, avaient alors déjà été lancées.
"Le danger est bien présent, mais nous ne pouvons pas interdire la montagne aux pratiquants : elle doit rester un espace de liberté, mais chacun doit être responsable", convient Jean-Marc Peillex, qui a effectué une mission d'inspection en compagnie du préfet de Haute-Savoie Georges-François Leclerc, vendredi 24 août.
Ce danger est encore amplifié aujourd'hui par la fragilité du "toit" du glacier de Tête-Rousse, là où justement les alpinistes circulent pour accéder au sommet du mont Blanc. "Le périmètre de sécurité a été élargi, après l'effondrement d'une partie de la voûte il y a quelques semaines, mais certains n'en tiennent pas compte : nous avons pu le constater sur place", déplore encore M. Peillex. Le glacier connaîtra un nouveau pompage en septembre pour évacuer la poche d'eau qui s'est reformée en son sein et qui, avec la fonte, sans doute accélérée par les fortes chaleurs de ces dernières semaines, devrait dépasser les 10 000 m3.