Les soucoupes et leurs occupants extraterrestres fêtent dimanche leur soixante-dixième anniversaire. Car si les phénomènes aériens étranges ont toujours existé, les ovnis naissent officiellement le 26 février 1942. Ce jour-là, en pleine seconde guerre mondiale, la défense américaine repère un vaisseau inconnu dans le ciel de Los Angeles. Les pilotes américains ouvrent le feu. L'armée pense à une attaque japonaise : Pearl Harbor a eu lieu moins de trois mois plus tôt.
Les militaires parlent le lendemain d'une simple "fausse alerte". Mais la révélation en 1974 du fait qu'un général a officiellement informé Franklin Roosevelt de la "non-identification" du vaisseau achève de convaincre les conspirationnistes.
SOIXANTE-DIX ANS PLUS TARD : LES OVNIS DEVENUS OBJETS D'ETUDE
La veille de l'anniversaire de cette "bataille de Los Angeles", Xavier Passot fête, lui, ses 58 ans. "J'étais sans doute prédestiné", sourit-il. Cet ingénieur est devenu en 2011 le responsable du très sérieux Geipan, le Groupe d'études et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés. C'est une branche du Centre national d'études spatiales, "et donc le seul organisme au monde, civil et financé par l'Etat, d'étude sur les ovnis."
Au Geipan, pas de mythologie des petits hommes verts ou gris, mais une vérification rigoureuse, scientifique, des observations de particuliers. "J'ai toujours pensé que les ovnis devaient être analysés avec des méthodes scientifiques." Mais pour que Xavier Passot et son équipe enquêtent, il faut auparavant que le phénomène ait été signalé aux forces de l'ordre dans un procès-verbal. Un premier filtre qui permet d'éliminer les témoignages farfelus ou inventés.
LE "FACT-CHECKING" DES OVNIS
Les cas qui retiennent l'attention du Geipan sont classés en quatre catégories. On trouve 37 % de cas parfaitement ou probablement identifiés, 41 % de phénomènes non identifiables et enfin, 22 % de phénomènes non identifiés. Si l'on élimine parmi ces derniers les "témoignages peu consistants", il ne reste que très peu de cas mystérieux. Finalement, Xavier Passot est souvent confronté aux mêmes confusions.
UNE AFFAIRE DE RELIGION ?
Les cas qui ne s'expliquent pas du tout sont-ils pour autant la preuve d'une existence extraterrestre ? Certains osent franchir le pas, comme Jean-Jacques Velasco, lui-même ex-directeur du Geipan. Selon lui, certains témoignages sont indiscutables car venant par exemple de pilotes professionnels, aguerris au ciel et "en dehors d'un contexte social qui peut les influencer". Il évoque également des objets repérés par des radars. Aussi, l'hypothèse scientifique la plus probable est celle de la réalité des ovnis.
Malgré ce type de témoignages plus crédibles, l'actuel directeur ne va pas aussi loin. "Les pilotes peuvent être trompés par des phénomènes naturels. Et il est faux de dire qu'ils sont déconnectés de toute influence sociale : il y a aussi, parmi les pilotes, des croyants. Et la croyance altère le jugement."
Le débat sur la réalité des ovnis n'est donc souvent qu'une affaire de religion pour Xavier Passot. "Je rapproche la croyance aux ovnis de la croyance en Dieu." Dans ce cas, l'idée que tout puisse être expliqué scientifiquement n'est-elle pas aussi une religion ?
"Absolument, les ultra-sceptiques ont un jugement tout aussi altéré, au point de proposer des hypothèses parfois plus folles qu'une visite extraterrestre. En fait, il faut simplement savoir dire 'Je ne sais pas.'"